La musique populaire safiote : Al Aïta...

La chanson Al Aita se trouve généralement livrée à l'appréciation précipitée des non-spécialistes, parce que son côté péjoratif occulte d'autres aspects et valeurs. Al Aita, qui raconte la nostalgie et les aspirations, les plaisirs comme les douleurs, devient une chanson-gazette, un refuge.
C'est principalement dans les plaines bordant l'Atlantique qu'Al aita est appréciée le plus. Elle est un fait de société, elle peut être un cri de ralliement, un soupir d'amour ou une complainte. Par beaucoup d'aspects, elle s'apparente à la geste Hilalienne (une tranche importante des tribus des Béni Hilal).
Le genre est particulièrement pratiqué dans les régions de Abda, Chaouia et Doukkala, c'est-à-dire dans l'axe Casablanca-Safi, là où les tribus arabes et bédouines cultivent cet amour pour l'improvisation poétique.


En plus, il existe à Safi une Aita spéciale appelée Haçba. Son répertoire est limité à quelques exemples du genre. Son caractère triste et secret la rend inaccessible partout ailleurs pour un public habitué généralement aux styles francs et modulants.

Les Ayout sont souvent chantées par un groupe mixte d'hommes et de femmes (les Chikhates). Dans le cas où celles-ci sont absentes, l'un des hommes du groupe revêt des habits féminins et imite la voix et la danse des femmes. Al Aita de Wlad Hmar en est un bon exemple.

Les plus jeunes parmi les "chikhate" exécutent devant le public des danses sensuelles (jeu du ventre et des hanches, ondulations et frémissements du corps, balancement de la chevelure, ...).
Les inconditionnels d’Al Aita savent qu'à travers le cheminement des chants on découvre une histoire sociale, des héros, des personnages mythiques, une mémoire rurale ancestrale. L'on se rappelle encore de Fatima al Kobbas, de Chikha az Zahhafa, de Bouchaïb al Bidaoui et du Maréchal Qibbou ou de Hajja Hamdaouia qui continue à intéresser des nostalgiques.



Les plus avertis gardent encore un respect distant à Mohamed Da'baji et à Fatna Bent Lhoucine, derniers parmi les derniers représentants de la vraie Aita.
Aujourd'hui, le côté divertissant et parfois érotique prend le dessus sur le vrai sens de ce chant (il est parfois considéré comme impie, sulfureux).